L’insertion par le travail des personnes sans-domicile : quels enjeux pour quel lien social ?

En France, un très grand nombre de personnes vivent à la rue, dont une majorité de chômeurs et chômeuses de longue durée. Le retour à l’emploi est l’une des clés de leur réinsertion. Première étape : bénéficier du dispositif « Premières heures », pour se réapproprier pas à pas le monde du travail. Si le programme a prouvé son efficacité, l’association Carton Plein a souhaité initier son évaluation d’impact pour mieux l’adapter aux besoins des personnes accompagnées – et de ceux qui les recrutent.

Porteur de projet

CARTON PLEIN
Thématique

Lutte contre l’isolement des personnes fragiles
Localisation

Paris 18e, Hauts-de-Seine
Type de projet

Recherche-action
Période de soutien

2020 - 2023
Statut

Projet terminé
Objectif de développement durable

8/Travail décent et croissance économique

L'insertion par le travail des personnes sans-domicile : quels enjeux pour quel lien social ?

Le dispositif Premières Heures est une action solidaire mise en œuvre par près de vingt associations parisiennes. Au départ créé par Emmaüs Défi, soutenu et essaimé dès 2011 par la Ville de Paris, il est une étape-clé du parcours de réinsertion des personnes en grande exclusion. Car il introduit une période de progressivité dans la reprise de l’activité professionnelle. Quatre heures par semaine, puis huit, puis douze, la re-socialisation se fait en confiance jusqu’à atteindre le palier final : s’engager durablement dans un contrat de réinsertion à durée déterminée.

Dès sa création en 2012, Carton Plein a fait du dispositif Premières Heures l’un des leviers principaux de son action de réinsertion des personnes vivant à la rue. Après avoir réalisé une évaluation d’impact interne en 2018, l’association a souhaité lui donner une envergure plus importante. Elle a choisi de conduire une recherche-action, auprès des différentes parties prenantes du dispositif à Paris et dans les Hauts-de-Seine : personnes accompagnées, structures impliquées dans le dispositif, acteurs des politiques publiques. La démarche a été conduite par Louise Lacoste et Alice Krzystofik, deux doctorantes CIFRE rattachées à l‘IDHES (Institutions et Dynamiques Historiques de l’Économie et de la Société) de Nanterre.

« Premières heures », laboratoire du retour à l’emploi

La question de départ était la suivante : quels sont les effets du dispositif Premières Heures sur le travail, la sortie de l’isolement, la réinsertion économique, ou encore la confiance en soi ?

Reprise progressive d'une activité professionnelle : collecte et recyclage de vieux cartons

Reprise progressive d'une activité professionnelle pour des personnes en situation de grande exclusion : collecte et recyclage de vieux cartons

Pensée en mode participatif, la démarche a été construite sur de nombreux temps d’échanges. Entretiens avec des personnes accompagnées et des salariés en insertion, rencontres entre pairs, sessions de théâtre-forum où les participants mettent en scène une situation vécue… l’équipe de recherche s’est fondée sur le principe de la coformation, selon lequel chaque personne est détentrice d’un savoir à partager. Plusieurs journées d’immersion ont également été organisées au sein d’ateliers et de chantiers d’insertion (ACI), dans 16 structures partenaires du dispositif Premières Heures.

La recherche a mis en évidence la dimension centrale du lien social, facteur-clé de la remobilisation des personnes accompagnées – à 75% des hommes, dont l’âge moyen est de 42 ans. Les pratiques d’encadrement en ateliers basées sur le cotravail, tout comme les temps collectifs de convivialité, contribuent à la création de relations sociales enrichissantes. Les Premières Heures de travail apportent de nouvelles compétences, mais aussi un rythme de vie propice à la stabilité et à la reprise de confiance en soi, conditions nécessaires à l’établissement de nouveaux objectifs de vie.

Quant au logement, l’impact du dispositif est notable. Entre leur entrée et leur sortie, le nombre de personnes vivant à la rue est divisé par deux (34,4% versus 15,6%). De même pour l’hébergement d’urgence, dont la part passe de 43,6% à un peu plus de 30%.

La recherche a par ailleurs soulevé une problématique essentielle : la place des femmes dans le dispositif. Sous-représentées au début de la recherche-action, l’instauration d’ateliers non mixtes ont su créer un espace sécurisant, bienveillant et émancipateur. Entre 2019 et 2021, les femmes sont passées de 15% à 40% des salariés Premières Heures.

Un temps d’analyse des pratiques a été mené autour de la question du genre, très fédératrice. Pour Carton Plein, le projet a aussi fait émerger deux axes de réflexion : l’un autour de son modèle de financement, l’autre autour de l’encadrement des bénéficiaires en termes de ressources et de formation, pour les accompagner au plus près de leurs besoins. Le rapport d’étude, comprenant les résultats et des recommandations concrètes, a été diffusé en septembre 2023 lors d’une rencontre de restitution.

Crédit photos : Marylou Mauricio

Les rencontres de la fondation Paris Habitat

Odile ROSSET, Carton Plein

Le projet en bref (chiffres 2020)

Plus de 300 personnes accompagnées chaque année par le dispositif Premières Heures
38 associations concernées
Entretiens avec 32 personnes accompagnées par 11 structures différentes
2 journées de co-formation dans les locaux de Carton Plein les 17 et 18 juin 2021

L'association

Carton Plein est une association d’inclusion sociale et professionnelle créée en 2012. Elle accompagne vers l’emploi des personnes en situation de précarité en les formant à des activités socialement et écologiquement innovantes.

Pour mener à bien ce projet social, trois dispositifs sont aujourd’hui mis en place au sein de la structure :

le dispositif Premières Heures (DPH), à Paris et dans le 92, dont le travail passe notamment par une activité de réemploi et de vente de cartons ;
un Atelier Chantier d’Insertion (ACI), à Paris, autour du réemploi et la cyclo-logistique ;
une Entreprise d’Insertion (EI), spécialisée dans les déménagements à vélo ainsi que la livraison et la collecte de marchandises en vélo-cargos.

Pour en savoir plus

Cahiers de la Fondation des solidarités urbaines - N°2 : Des parcours d'insertion socioprofessionnelle pour trouver sa place dans la société

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